Les réserves interdites aux skieurs, randonneurs et autres sportifs se multiplient dans les Alpes suisses. Objectif: préserver la quiétude des animaux sauvages.
Article du Journal Le Temps du 11/12/10 de Xavier Filliez.
Le randonneur à skis ou en raquettes est-il le nouvel ennemi juré de la faune sauvage? Les autorités vaudoises, qui annonçaient cette semaine une baisse du nombre d’attaques d’ovins par le loup, s’inquiétaient en même temps de la trop lente reconstitution des populations de chevreuils et de chamois dont elles attribuent la régression de ces dernières années aux conditions climatiques rudes, mais également au «dérangement par les sportifs».
L’amour-propre des amis de la nature en prend un coup. Le randonneur, son pique-nique et ses certitudes, serait moins bon élève qu’il ne le pense. L’angoisse des biologistes n’est pas encore proportionnelle à l’augmentation des pratiquants, mais les constats sur le terrain commencent à être suivis de mesures. On trace, ici et là dans les hautes neiges, de nouveaux périmètres de protection des espèces.
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et le Club alpin suisse (CAS) ont lancé l’an dernier une campagne de sensibilisation («Respecter, c’est protéger») et délimité des zones de tranquillité. Une carte sera présentée la semaine prochaine aux médias. La démarche est purement didactique, sans base légale.
On peut néanmoins aller au-delà de l’invitation au discernement. Certains cantons, comme Uri, Lucerne ou le Valais, ont mis en place des «zones de tranquillité» ayant force légale. Profitant de la législation fédérale (loi sur la chasse), les Grisons ont donné l’exemple il y a vingt ans déjà. L’interdiction de pénétrer ces zones n’est pas uniquement liée à la randonnée. Elle vaut qui pour le parapente, qui pour la récolte de bois de cerfs, pratique très en vogue dans les Alpes valaisannes. Les voisins romands s’y mettent.
Dans quelles proportions la faune sauvage est-elle victime, par manque de ressources ou accident, de la colonisation de la montagne? C’est, empiriquement, assez difficile à établir. Catherine Martinson, du WWF, affirme que «le ski hors piste a une incidence manifeste sur la mortalité des chamois. On sait que dans la région de Verbier, poussés par les skieurs, ils vont se réfugier dans des zones avalancheuses et tombent dans des couloirs.»
Peter Scheibler, chef du Service de la chasse du canton du Valais, qui enregistre, lui, des populations d’ongulés tout à fait stables, estime qu’«on ne peut pas imputer avec certitude la perte de x ou y individus aux skieurs ou randonneurs. Il y a des constats ponctuels faits par les gardes-chasse.»
Le professeur en biologie de la conservation Raphaël Arlettaz, de l’Université de Berne, n’est pas aussi serein. De 2002 à 2007, il a mené une série d’études quantifiant l’impact des sports d’hiver sur les populations du tétras-lyre. Les oiseaux sont soumis à un stress intense dans les zones très parcourues et la diminution des effectifs est de 36% où on trouve des installations de remontées mécaniques. C’est compter sans les effets de la randonnée et du hors-piste.
Comment y remédier? En délimitant des zones de refuge hivernales. A l’aide de photos aériennes, réalisées en Valais et dans les Alpes vaudoises, et en recoupant les traces laissées par les randonneurs et les tétras-lyres, les chercheurs ont mesuré l’intensité des conflits actuels et à venir entre faune sauvage et sports d’hiver.
Cette cartographie a permis de localiser 33 «zones de conflits majeurs». Il s’agit maintenant de délimiter des périmètres de 40 hectares à l’intérieur de ces zones pour offrir à l’espèce un refuge d’hiver digne de ce nom.
Pour Raphaël Arlettaz, «l’objectif est, à terme, de prononcer l’interdiction d’accès à ces zones, peu nombreuses et de surface restreinte, puis de les baliser, en veillant à harmoniser le balisage dans l’ensemble du pays». On en est loin. Ce travail doit se faire en coordination avec les cantons.
On voit déjà les mordus bondir d’effroi sur leurs peaux de phoque devant la prolifération de taches rouges sur leurs topos. En théorie, le ski hors des sentiers balisés est déjà interdit dans les districts francs fédéraux. La campagne de sensibilisation de l’OFEV et du CAS n’a pas remporté l’adhésion de la base au sein du Club alpin, où règne une division assez nette entre la philosophie du dicastère de l’environnement et le reste de l’association, beaucoup plus libérale.
Certaines stations font aussi des efforts de prévention aux abords de leurs domaines. A Zermatt, des zones de protection de la faune et des forêts balisées sont interdites d’accès sous peine de retrait de l’abonnement.
Raphaël Arlettaz est certain que la cohabitation est possible, comme dans la station du Felhorn dans les Alpes bavaroises. On y voit des petits miracles. A l’aube, sur la terrasse d’un restaurant d’altitude, une dizaine de tétras-lyres barbotent entre les tables et les chaises. Une heure plus tard, un flot de skieurs les a remplacés. Les coqs, retirés dans leurs zones de refuge strictement interdites d’accès, reprendront leurs quartiers au crépuscule.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/025b3464-04a6-11e0-a54f-19ee9847ec84|0
Juste pour info, j'ai déjà fait quelques courses à ski cette saison, et j'ai vu fleurir les paneaux "Respektiere deine Grenze" sur le terrain. L'objectif est louable, mais au vu des différentes législations cantonales et de la rareté de l'info cartographique, cela frise le ridicule.
Une aide pour planifier vos course en Suisse :
Repektiere deine Grenze
Note : certaines infos ne collent déjà pas/plus avec ce qu'il est indiqué sur le terrain.