Régis Cahn a écrit :
Sancho a évoqué la part des professionnels dans le développement de la randonnée nordique.
J'ai envie de lui dire, que je suis pas du tout sûr que le développement viendra ou puisse venir seulement des professionnels de l'accompagnement. (C'est une vision de pro sur le terrain)
Si on prend l'exemple du trail, du ski de rando ou du vtt, la plupart des pratiquants ne font pas appel aux professionnels. Certain oui, mais c'est pas le cas de la grande majorité.
En SRN, évidement plus il y aura de proposition sur le terrain pour offrir la pratique et plus il y aura de personnes qui vont gouter au SRN. Mais à mon sens ce n'est pas suffisant. Il est clair que l'addition offre d'accompagnement + offre de location = belle contribution au développement.
A aucun moment je ne revendique le fait que le développement du SRN ne peut se faire que grace aux moniteurs de ski.
Il est certain qu'il y a plein de gens qui ont le potentiel de faire du SRN sans passer par un professionnel. Parmi ceux là, il y en a qui feront le pas, et d'autres qui auront besoin d'un coup de pouce (amis ou pro) pour découvrir qu'ils en sont tout à fait capable.
Le SRN est susceptible d'intéresser plein de gens qui n'oseront pas aller tous seul, car il n'y a pas de chemin et que c'est aussi rude la montagne en hiver.
Et surtout il faut encore que les gens aient connaissance de l'activité.
Cet hiver avec Tatane, on a du avoir entre 250 et 300 personnes en balade, qui n'étaient jamais montés sur des SRN (sans compter ceux de la journée nationale de découverte). Je souligne juste le fait que plus de 80% d'entre eux étaient là principalement pour l'alpin et n'avaient jamais entendu parler de SRN, avant de nous croiser sur des pots d'accueil ou dans des plaquettes de l'office de tourisme.Il y a en France plus de 350 écoles de ski. En imaginant qu'il puisse y avoir un moniteur dans chaque école pour croire sérieusement au développement du SRN et s'y mettre avec énergie, je vous laisse imaginer ce que ça pourrait donner comme ordre de contribution au développement.
Je reviens sur trail, vtt, et ski de rando alpin.
Le trail explose, mais il n'est pas technique, et les limites de son développement sont à mon avis inscrites dans le fait que c'est physiquement très exigeant.
Le ski de rando alpin, voit sont nombre de pratiquants augmenter, mais c'est dur et technique, et c'est ça qui plafonnera son développement.
Le VTT s’essouffle, mais son développement a été remarquable. Je rejoins Forez quand il dit qu'une grande partie des gens renoncent car c'est trop physique dans les montées. Pour pouvoir avancer faut bouffer des kils, et il y a plein de gens qui n'ont pas assez de temps et ou de motivation pour entretenir un foncier suffisant. La pratique continue son essor du côté des remontées mécaniques, mais le potentiel de développement sera limité par le manque de casse cous.
Je crois sincèrement que l'éventail de personnes qui pourrait être réceptif aux plaisirs du SRN est sans communes mesures avec ceux de ces trois activités.
Réussir à aller partout en SRN n'est certes pas facile, mais très rapidement on acquiert une véritable autonomie de déplacement qui nous ouvre les portes à une infinité de balades. Et le SRN est physiquement exigeant dans la mesure qu'on souhaite qu'il le soit. En VTT si tu forces pas tu montes pas, en SRN si tu t’essouffles, tu as le droit de ralentir et ça avance quand même.
Un ex: cet hiver j'ai eu une dame de la cinquantaine sur un lundi gratuit: 20 min d'essai avec moniteur, et après je laisse le matos pour une heure et plus en fonction du monde.
La dame n'avait jamais fait de ski, elle était certes très douée. En 20 min elle maîtrisait, un pas glissé esthétique, un canard efficace, un chasse neige freiné et chasse neige virage correct. Je lui ai demandé de se coucher dans la neige à la fin des 20 min, pour lui apprendre à se relever avant de partir skier toute seule. Les conditions de neige étaient optimales. Pour moi c'est difficilement imaginable de faire partager une telle autonomie en si peu de temps même à un jeune sportif de 30 ans son cadet, sur des skis de fond ou des skis alpins.
La question des motivations posée par Grand Steak est importante.
Voilà un inventaire des plaisirs du SRN que j'ai pu identifier, ce n'est sans doute pas une liste exhaustive, et surtout certains de ces "plaisirs" peuvent être perçus de manière positive ou négative en fonction de chacun. ya pas d'ordre je les sorts à la volée.
- le plaisir de lecture dans le terrain pour faire sa propre trace en montée comme en descente, en fonction de sa forme du jour, de son niveau et de ses envies, des différentes qualités de neige selon les versants, selon que l'on est en espace ouvert ou en forêt.
- le plaisir de la diversité des gestes dans lesquels on peut toujours tenter de progresser voir d'innover.
-Le choix de son itinéraire pour optimiser le plaisir en fonction de la météo.
- les plaisirs de la glisse et de l'adrénaline qui va avec. Il y a là dedans le juste dosage qui convient à chacun en fonction de sa maîtrise du support.
- le plaisir de l'effort et de l'endorphine qui va avec un dosage appréciable selon les sujets.
Le plaisir de la diversité des situations qui s’enchaînent dans une journée: un profil montagnes russes est plus digeste qu'une montée sèche suivie d'une descente unique comme c'est souvent le cas en ski de rando alpin.
- le plaisir d'évoluer dans un cadre naturel préservé, d'apprendre à en percevoir la beauté, la fragilité, à le respecter. Il nous réserve souvent de belles surprises.
- les plaisirs liés au sentiment de liberté, qui vont de paire avec un apprentissage de l'orientation, des techniques de bivouac, de survie, avec une aptitude à évaluer les risques de la montagne…mais pas que, car on peut goûter au plaisir de la liberté d'user toute la poudre du champ de neige en remontant douze fois la même bosse avant d'aller en chercher une autre sans donner aucun signe de pertinence dans un itinéraire.
- les milles et une façon de trouver du plaisir en repoussant ses limites tout en mesurant de manière objective les risques: en ski de nuit, en expé loin de toute civilisation, au coeur de la tempête, et même avec la tête à l'envers…
- le sentiment de pouvoir prendre du plaisir partout avec le même matériel.
- l'activité et son cadre de pratique est propice aux échanges et la convivialité, entre les pratiquants.
- le plaisir d'avoir le temps de prendre le temps. De ne pas être obliger de forcer l'allure.
Il y a sans doute encore plein de chose, mais j'arrête là.
Je suis pleinement d'accord avec Talonlibre quand il dit qu'il faut diversifier les images, pour attirer du monde. Et j'ajouterais qu'il est intéressant d'illustrer tout le champ des possibles du SRN en insistant sur les plaisirs simples et en étant parcimonieux sur les extrêmes.
J'ai pas mal contribuer à montrer des images d'un ski qui passe vite en descente ou qui met la tête à l'envers. Je crois que c'est bien car il en manquait, mais c'est à double tranchant, ça peut attirer l'oeil d'un public potentiel et en effrayer une autre partie . De la vidéo avec la galipette, j'ai l'impression qu'on ne retient que la galipette alors que le reste me semble nettement plus intéressant en terme d'image.
Et dans le même ordre d'idée, et là c'est toujours pareil c'est un point de vue personnel, je trouve que dans un objectif d'élargir le champ des pratiquants, il y a à mon sens trop de communication sur le SRN, qui met en avant une activité dont la finalité serait de pouvoir partir sur de longues itinérances, voir d'aller planter la tente ou creuser l'igloo dans la montagne.
C'est bon pour nous de mettre en avant l'aboutissement de nos pratiques personnelles, mais si nous souhaitons élargir le champ des gens qui pourraient être amenés à apprécier nos délires, il faut à mon avis insister sur des messages qui montrent une activité beaucoup plus accessible à tous.
Le cadre de la vidéo de Régis avec en fond de tableau les villages du Vercors de cette année, me semble vraiment intéressante dans ce sens.
Elle illustre bien une certaine forme de liberté, d'évasion et en même temps d'accessibilité de la pratique. Sur les déplacements on a une vraie impression de facilité, mais en même temps ça donne une impression d'une pratique sportive qui se rapproche vraiment du ski de fond. Ca va toujours vite et fort (Régis il transpire pas mais on est en droit de se dire qu'il doit avoir une sacrée caisse)et un peu trop droit.
C'est mon idée du truc et on est pas obligé d'y adhérer, cependant dans le même terrain, avec un ou deux amis, avec des pauses dans les déplacements pour échanger une phrase ou deux, du rythme pépère dans une montée, une belle relance avant une descente, et quelques changements de directions, je pense que ça ne véhicule plus du tout le même message.
Je suis bien d'accord pour dire qu'il y a plus grandiose comme paysage sur les hauts plateaux que dans les fonds de vallées, mais à défaut de trouver des gens pour t'y initier, ce peut être intéressant de montrer que quand tu as loué un meublé au village, le SRN peut être un moyen autrement plus fun que ta voiture, pour aller chercher ton pain à la boulangerie qui est à 2km.
Dans le cadre de mon travail, sur des balades à la demi journée ou à la journée, souvent avec des gens qui sont peu skieurs: il y a toujours l'itinéraire idéal où tu pourrais leur faire partager le maximum de choses sympa d'un point de vue paysager, environnemental ou patrimonial et les 12 itinéraires bis possible en fonction des conditions de neige et du niveau du groupe.
Le but n'est pas de les asphyxier, du coup ça amène à réfléchir sur comment valoriser ta balade quand tu ne vas sur tes objectifs initiaux. Ca passe vraiment par de la diversité de terrain, des ptits creux, des ptites bosses, ça tourne à gauche à droite, une belle pente, et ça remonte pour redescendre un coup. Je crois qu'à tout age et tout niveau, les gens adhèrent à ça, car le temps file plus vite dans les virolets que dans les grandes lignes droites. Il y a un côté ludique qui est encore peu mis en valeur dans nos messages je crois.
Dans un post précédent, quelqu'un évoquait le boom de la course à pied, lié au côté facile, quand tu as peu de temps. Celui qui a la chance d'habiter en montagne à vite fait en rentrant du boulot de chausser les skis derrière son garage pour aller prendre un bol d'air de décompression.
Ce sont les petits plaisirs du SRN qui ne sont pas assez mis en valeur aujourd'hui, il me semble.
Enfin les plus à même de les illustrer de manière efficace, et avec spontanéité, ce sont les enfants. Alors à quand une svartisen en taille 32 avec des fischer outbound88 de 139 cm?
Du ski en famille avec pulka c'est bien comme image, mais du ski en famille avec des marmots sur les planches c'est encore mieux.
Je termine avec une parenthèse sur le sujet compétition. Pour moi le SRN de compétition il a déjà été inventé: ils l'ont appelé du ski de fond. Dans les années 30 on trouvait plus de svartisen et d'époch que de skis qui ressemblaient à des skis de fond. Après ils ont voulu jouer avec des chronomètres et des dossards, le matériel a évolué, vers du tout fin, léger et très long. Aujourd'hui il ne reste bientôt plus que des énervés de l'endorphine sur les pistes.
Je crois qu'il y a plus à gagner pour le SRN en cherchant à attirer de la lumière sur des rassemblements populaires, conviviaux et originaux comme la journée de découverte, qu'en tentant d'introduire des chronomètres.
Ou alors, le SRN étant un peu le couteau suisse du ski je propose, le concours complet avec une CO, une descente TK, une descente christiana, un saut en longueur, un saut artistique, avec bonus aux meilleurs déguisements. Les descentes ne sont pas tracées avec des piquets avec un classement 50% sur l'esthétique 50% sur le temps. Bien entendu une seule paire de ski autorisée pour toutes les épreuves. Pas de classement individuel, ça se court en équipe.
Allez je vais me coucher.